Tu connais l’histoire des loups, l’histoire du loup qui quitte la meute, l’histoire du loup qui part, qui va droit devant lui jusqu’à trouver la contrée où il pourra construire une nouvelle histoire de famille,

une terre où il rencontrera sans savoir où quand comment pourquoi une louve pour créer une nouvelle meute. Je suis ce loup sans territoire qui croit qu’il faut avancer toujours devant, toujours ailleurs et qui sait qu’il lui faudra quitter sa famille, l’ancienne famille, la famille aimante, sécurisante, pérenne et historique, la famille à héritage et à tiroirs secrets. Oui je suis ce loup qui sait qu’il faut quitter la famille et son drame, parce que son drame est un drame de malle non ouverte et d’armoire fermée, un drame qui étouffe les vivants. Je suis ce loup qui quitte car sa loi, sa vie n’est pas celle de sa famille, il n’appartient pas à la meute, il sent, il sait que seul, vraiment très seul il peut comprendre et tisser de vrais liens. Je suis ce loup qui a décidé qu’il ne resterait pas impuissant face à l’insurmontable, l’insupportable et le monstrueux, alors je cours vite pour aller loin, j'abandonne la famille solidaire de la guerre et de l’inceste, la famille abreuvée de violence intégrée, de haine cachée mise sous cape ou dans la poche comme si elle était le fondement nécessaire à ma survie. 
Je suis le loup qui part sans se poser éternellement la question de ce qu’il perd et de ce qu’il pourrait conserver, ce n’est pas un loup capitaliste. Je suis ce loup qui décide que seul il voit mieux, plus loin, ce loup qui traverse le monde sans payer cher la tragédie passée, sans se retrouver impliqué dans le marasme d’un vieux monde toujours et encore capable de tuer pour préserver, de violer pour occuper, de battre pour contrôler, de mutiler pour posséder, de détruire pour envahir. Je suis ce loup sauvage que vous croiserez peut-être sur des chemins de traverse, 
aux frontières d’un monde non raconté ….