Mai 2022
FOLIE FOLIE FOLIE ! Le monde est fou ! Et moi je rêve, oui je rêve encore de pouvoir m’échapper, de galoper dans la toundra non envahie, de rentrer dans une grotte troglodyte pour écrire, d'aller au Sénégal retrouver des amis, de regarder le coucher de soleil, de rencontrer une personne exceptionnelle avec qui rire ne sera pas un danger et rêver encore que l'insolence l'emportera et rêver encore et créer jusqu'au bout de ma nuit. Mais ma nuit est noire et mon rêve n'est plus qu'au moustique prêt à me piquer. Et en une minute, une seconde, une heure parfois tout s'écroule, le fauteuil avec le salon, la maison et le toit et j'ai mal à ma tête boum patatra j'ai mal à tout, à tout mon monde ! "Mon âne, mon âne a bien mal à la tête..." Et encore je m'accroche à mon rêve qui dérive. Et dans ma douleur et dans mon impuissance je relis à cœur ouvert les mots de mes compagnons de route, et ça saigne et ça va mieux ! Je voudrais tant que l'on partage un vrai projet humaniste pour nous et pour la terre avec nous ! Je donne la parole à Bruno Latour dans Face à Gaïa "Aucun doute, l’écologie rend fou ; c’est de là qu’il faut partir. Non pas dans l’idée de se soigner ; juste pour apprendre à survivre sans se laisser emporter par le déni, par la dépression, par l’espoir d’une solution raisonnable, ou par la fuite au désert. On ne se guérit pas de l’appartenance au monde. Mais, à force de soins, on peut se guérir de croire qu’on n’y appartient pas ; que ce n’est pas la question essentielle ; que ce qui arrive au monde ne nous regarde pas. Le temps n’est plus où l’on espérait « s’en sortir ». Nous sommes bien, comme on dit, « dans un tunnel », sauf qu’on « n’en verra pas le bout ». En ces matières, l’espoir est mauvais conseiller puisque nous ne sommes pas dans une crise. Ça ne va pas « passer ». Il va falloir s’y faire. C’est définitif. Ce qu’il faudrait, par conséquent, c’est découvrir un parcours de soins – mais sans prétendre pour autant se guérir trop vite. En ce sens, il ne serait pas impossible de progresser, mais ce serait un progrès à l’envers, qui consisterait à revenir sur l’idée de progrès, à rétrogresser, à découvrir une autre façon de ressentir le passage du temps. Au lieu de parler d’espoir, il faudrait explorer une façon assez subtile de désespérer ; ce qui ne veut pas dire « se désespérer », mais ne pas se confier au seul espoir comme engrenage sur le temps qui passe. L’espoir de ne plus compter sur l’espoir ? Hum, ça n’a pas l’air bien encourageant. Faute d’espérer se soigner pour de bon, on pourrait jouer du moins sur l’opposition des maux. Après tout, c’est une forme du soin : « bien vivre avec ses maux », ou tout simplement « bien vivre ». Si l’écologie rend fou, c’est qu’elle est en effet une altération de l’altération des rapports au monde. En ce sens, elle est à la fois une nouvelle folie et une nouvelle façon de lutter contre les folies précédentes ! Il n’y a pas d’autre solution pour se soigner sans espérer guérir : il faut aller au fond de la situation de déréliction dans laquelle nous nous trouvons tous, quelles que soient les nuances que prennent nos angoisses." OK Bruno j'y vais au fond ! Mais ça serait super si je ne me sentais pas si seule !
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